Responsable: >Myriam Amri & Katharina Grüneisl

A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie 3/3

Date : 2022-09-21 | 14:00:00-16:00:00

Évènement : Congrès INSANIYYAT

Programme détaillé : cliquer ci-contre
Catégorie :
A
Lieu :
ISAMM
Salle :
C11
Responsable : Myriam Amri & Katharina Grüneisl
Modérateur·trice :
Discutant·e :
Les intervenant·e·s :
Sakhi Montassir KU Leuven
Zagaria Valentina Central European University
Garnaoui Wael Université de Sousse

A83 - Circulations, inégalités et frontières multiples en Tunisie 3/3 FR

Salle: C11
Responsables : Myriam Amri, Harvard University, Etats-Unis & Katharina Grüneisl, Universität Leipzig, Allemagne

  • Wael Garnaoui, MECAM, L'externalisation des frontières; nouvelles configurations de l’espace/imaginaire tunisien 
  • Montassir Sakhi, KU Leuven (Belgique), Des européens sur la frontière – Retour sur la question des camps des réfugiés au temps des politiques anti-terroristes
  • Valentina Zagaria, Central European University (Bulgary), Frontières intimes: genre, race et liens familiaux en migration

Panel 3: Migrations transfrontalières et subjectivités politiques

Responsables : Myriam Amri & Katharina Grüneisl

  • Wael Garnaoui, MECAM, L'externalisation des frontières; nouvelles configurations de l’espace/imaginaire tunisien 
Depuis la création de l’espace Schengen, l’UE a imposé aux ressortissants des pays africains   et notamment aux ressortissants tunisiens un visa pour entrer aux pays membres de cet espace. Cette décision a configuré le territoire et l’imaginaire des Tunisiens et on a vu apparaître des nouvelles formes de mobilité internes et externes comme à titre d’exemple la harga.Pour lutter contre ces nouvelles formes de migration, l’UE a mis en place en partenariat avec les pays du sud plusieurs dispositifs sécuritaires et répressifs comme les CRA, FRONTEX etc. Récemment on a vu des nouvelles politiques en train de se mettre en place comme celle du « retour forcé », appelé de manière ironique par les ONG internationales et tunisiennes, le « retour volontaire », qui est un dispositif instauré tant dans le cadre des politiques migratoires d’externalisation des frontières. L’externalisation des frontières mérite d’être observée de manière distincte car elle libère une nouvelle génération d’outils de répression et de frontiérisation des désirs et des territoires/population dans les pays d’origine. Elle pose au final la question cruciale de la réintégration, dans un espace apaisé, de ces jeunes qui ont souvent travaillé pendant de longues années dans des métiers dangereux, à la limite sinon en dehors de la légalité, mais aussi de configurer un espace de transit à un espace d’accueil pour les migrants venants des pays subsahariens.

  • Montassir Sakhi, KU Leuven, Des européens sur la frontière – Retour sur la question des camps des réfugiés au temps des politiques anti-terroristes
Partant d’un terrain mené en France et en Belgique auprès des familles dont les enfants et petits-enfants sont détenus dans les camps des réfugiés au nord de la Syrie, ainsi que des entretiens avec des jeunes revenus de Syrie et des institutionnels responsables de la « gestion » des « Returnees », cette communication présente les grandes lignes de la politique antiterroriste appliquée aux européens ayant rejoint ou vécus sous le gouvernement de l’Etat Islamique (2014-2019). Le fer de lance de cette politique a consisté au maintien de plusieurs centaines d’européens et de leurs enfants dans des camps de réfugiés externalisés. Deux axes seront particulièrement investis. Dans un premier temps, je reviendrai sur les conditions de la vie des français et belges dans les camps des réfugiés à partir d’une enquête auprès des familles luttant pour le retour de leurs enfants et petits-enfants. En l’absence d’enquêtes ethnographiques à propos des camps en Syrie, par leur engagement auprès de leurs enfants et petits-enfants, les familles représentent une source d’information précieuse sur les conditions de détention et de gestion de la vie dans les camps. Il s’agit d’investir cette connaissance afin de comprendre la nature de la détention des « migrants du jihad » quand les Etats européens externalisent la gestion de la peine carcérale et refusent de rapatrier leurs propres citoyens – enfants soient-ils.Partant d’une ethnographie des différents dispositifs de gestion des retours, il s’agira dans un second temps de présenter quelques pistes de réflexion autour du rapatriement et du non rapatriement. Quelles sont les singularités contenues dans les politiques de réinsertion des personnes revenues de Syrie/Irak ? Qu’indiquent-elles quant aux lois antiterroristes et quant à l’état d’urgence décrété dans des pays européens au lendemain des attentats ? Comment la frontière extérieure est-elle devenue un moyen de repousser l’ennemi de l’intérieur vers des zones de non-droit (perte de citoyenneté, déchéance de nationalité, poursuite des familles pour financement de terrorisme afin de rompre les liens filiaux, etc.) ? Ces questions formeront une ligne de compréhension de ce qui se joue dans le maintien des européens et de leurs enfants dans les camps des réfugiés en Syrie.

  • Valentina Zagaria, Central European University, Frontières intimes: genre, race et liens familiaux en migration
Dans la ville de Zarzis, au sud-est de la Tunisie, on considère que la dignité a été le moteur de la révolution de 2011 et qu'elle continue de pousser (surtout) les jeunes hommes vers la harga, le "brûlage" irrégulier de la frontière méditerranéenne. Dans cette ville d'émigrés, les différences entre les motivations autoproclamées des jeunes et celles des générations plus âgées pour migrer sont toutefois examinées de près par les migrants et ceux qui restent. La recherche de la dignité par la migration vers l'"Europe" se heurte à des questions moralement épineuses de changement pour ceux qui ont le sentiment d'appartenir à Zarzis. Le mécontentement exprimé par les jeunes hommes à propos de leur vie, leur sentiment d'être "socialement morts" en Tunisie, contient un élément de nostalgie pour la vie bonne et digne qu'ils perçoivent comme ayant pu être menée par leurs parents et grands-parents, mais qui n'est plus disponible comme option (et peut-être, suivant la notion de nostalgie de Derrida, n'a jamais été réalisable en fait). Cet article montre donc comment les dynamiques de genre et de famille sont modifiées localement par les récents changements juridiques et techniques du régime frontalier de l'UE, tout en soulignant que ce qui est en jeu en s'embarquant dans des projets de migration - pour les frontaliers et leurs familles - est la reproduction sociale et matérielle des Zarzis. La dignité en Tunisie s'est politisée pendant la révolution, les citoyens exigeant un changement systémique qui leur permettrait de reproduire les cycles de vie et les niveaux de vie qu'ils apprécient. Il ne s'agissait pas en fait d'un appel à révolutionner les relations inégales préexistantes entre les ménages, les sexes et les générations. Cet article pose donc la question suivante : quel type de politique et de société la poursuite de la dignité via la harga "engendre-t-elle" ?

Panel 3: Migrations transfrontalières et subjectivités politiques

  • Wael Garnaoui, MECAM, L'externalisation des frontières; nouvelles configurations de l’espace/imaginaire tunisien 
The externalization of borders; new configurations of the Tunisian space/imaginary 

Since the creation of the Schengen area, the EU has imposed on nationals of African countries, including Tunisian nationals, a visa to enter the member countries of this area. This decision has shaped the territory/imagination of Tunisians and new forms of internal and external mobility have appeared, such as the harga. To fight against these new forms of migration, the EU has set up in partnership with southern countries several security and repressive measures such as the CRA, FRONTEX etc. Recently we have seen new policies being put in place such as the "forced return", ironically called by international and Tunisian NGOs, the "voluntary return", which is a device introduced as part of the migration policies of externalization of borders. The externalization of borders deserves to be observed separately because it unleashes a new generation of tools of repression and frontierization of desires and territories/population in countries of origin. In the end, it raises the crucial question of the reintegration, in a peaceful space, of these young people who have often worked for many years in dangerous jobs, at the limit if not outside the law, but also of configuring a space of transit to a space of reception for migrants coming from sub-Saharan countries.

  • Montassir Sakhi, KU Leuven, Des européens sur la frontière – Retour sur la question des camps des réfugiés au temps des politiques anti-terroristes
Europeans on the border - A look back at the issue of refugee camps in the era of anti-terrorist policies

Based on fieldwork conducted in France and Belgium with families whose children and grandchildren are detained in refugee camps in northern Syria, as well as interviews with young people who have returned from Syria and institutional officials responsible for the "management" of the "Returnees", this paper presents the broad outlines of the anti-terrorist policy applied to Europeans who have joined or lived under the Islamic State government (2014-2019). The spearhead of this policy has been the maintenance of several hundred Europeans and their children in externalized refugee camps. Two axes will be particularly invested. First, I will review the living conditions of the French and Belgians in the refugee camps based on a survey of families fighting for the return of their children and grandchildren. In the absence of ethnographic surveys about the camps in Syria, through their commitment to their children and grandchildren, families represent a valuable source of information on the conditions of detention and management of life in the camps. The aim is to invest this knowledge in order to understand the nature of the detention of "jihad migrants" when European states outsource the management of prison sentences and refuse to repatriate their own citizens, even if they are children. Based on an ethnography of the various return management mechanisms, the second part of the project will present some lines of thought about repatriation and non-repatriation. What are the singularities contained in the reintegration policies of people returning from Syria/Iraq? What do they indicate about anti-terrorist laws and the state of emergency declared in European countries in the aftermath of the attacks? How has the external border become a means of pushing the enemy from within into lawless zones (loss of citizenship, deprivation of nationality, prosecution of families for financing terrorism in order to sever filial ties, etc.)? These questions will form a line of understanding of what is at stake in keeping Europeans and their children in refugee camps in Syria.

  • Valentina Zagaria, Central European University, Frontières intimes: genre, race et liens familiaux en migration
Intimate borders: gender, race and family ties in migration

In the south-eastern Tunisian town of Zarzis, dignity is understood to have been the motor of the 2011 revolution, and to continue driving (especially) young men towards the harga, the irregularised ‘burning’ of the Mediterranean border. The differences between young people’s and older generations’ self-professed motivations to migrate, however, come under scrutiny in this emigrants’ town by both migrants and those who stay. Pursuing dignity via migration to ‘Europe’ folds into morally thorny questions of change for those who feel they belong to Zarzis. The discontent voiced by young men about their lives, their feeling of being ‘socially dead’ in Tunisia, contains an element of nostalgia for the good, dignified life that they perceive their parents and grandparents to have been able to lead, but which is no longer available as an option (and, perhaps, following Derrida’s notion of nostalgia, never was in fact achievable). This paper thus records the ways in which gender and family dynamics are altered locally by recent legal and technical changes to the EU border regime, while highlighting that what is at stake in embarking on migration projects – for border crossers and their families alike – is the social and material reproduction of Zarzis. Dignity in Tunisia became politicized during the revolution through citizens demanding systemic change that could allow them to reproduce life-cycles and living standards that they valued. It was not in fact a call to revolutionize pre-existing unequal household, gender, and generational relations. This paper therefore asks, what kind of politics and society does the pursuit of dignity via the harga “engender”?

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